Petite précision des termes en REBT - Le modèle ABC d’Albert Ellis

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Article de Daniel Ruchenne - septembre 2023

Petite précision des termes en REBT

Le modèle ABC d’Albert Ellis

Petite précision des termes en REBT


Lorsque les clients/patients décrivent un événement gênant de leur vie, le thérapeute peut considérer qu'il contient jusqu'à six éléments :


1. Ce qui s'est passé 


2. Comment la personne a perçu ce qui s'est passé           


3. Ce que la personne a déduit de ce qui s'est passé 


4. Comment la personne
a évalué ce qui s'est passé 


5. L'acceptation ou la non-acceptation par la personne de la perception évaluée et des inférences de ce qui s'est passé         


6. Les réactions émotionnelles et comportementales de la personne.     


Les trois premiers éléments concernent l’élément déclencheur A (les points 2 & 3 se rapportant au système de croyances du sujet).

Les éléments 4 et 5 représentent le B, les croyances irrationnelles ou rationnelles. 

L’élément 6 est le C, c'est-à-dire les conséquences émotionnelles ou comportementales.


Illustration:

Imaginons que Déborah se soit sentie critiquée par Anaïs et dise (A) : « Elle m’a dit une chose horriblement dénigrante ! », il est très probable que Déborah confonde cinq éléments.


En effet, la question de savoir ce qui s'est réellement passé implique une description objective de ce qui a été dit en tenant compte du ton, de la manière et du contexte. 

Que le commentaire soit une critique est une question de perception ou une inférence et considérer comme horrible qu'elle ait été critiquée est d'une part une question d'évaluation (« Je n'aime pas ça. ») et d'autre part une attitude impérative (« Elle ne devrait pas faire ça. »).


L’idée est d’établir une distinction entre la réalité confirmable, la réalité perçue et la réalité inférentielle


La réalité confirmable fait référence à un consensus social sur ce qui s'est passé. Par exemple, si de nombreux observateurs ont été témoins de l’événement, et l’ont tous décrit de la même manière, nous aurions obtenu une réalité confirmable. A condition que tous ces gens ne mentent pas, évidemment. 


La réalité perçue est la réalité telle que les clients/patients la décrivent et telle qu'ils croient probablement qu'elle est. 


La réalité inférentielle est une conclusion que la personne fait en fonction de ce qu'elle a perçu. 

La pensée "Elle ne m'aime pas" peut être une déduction/inférence  tirée du fait qu'"elle m’a critiqué".

Cette inférence est une pensée que le client/patient crée à propos d'un événement activateur imaginaire. Que l'événement imaginé/inféré soit vrai ou non, le client/patient y réagit par des troubles émotionnels et nous le traitons donc comme un événement réel.



Pour résumer le schéma ABC :

A

A - (Confirmable) est l'événement activateur tel qu'il pourrait être validé par un groupe d'observateurs.

A - (Perçu) est  ce que les sujets perçoivent comme s'étant produit lors de l'événement déclencheur, c'est-à-dire la description subjective qu'ils en font.

A - (Inférence) est la conclusion à propos de ce que le sujet pense s’être passé ou pourrait se produire. 

B

B - (Evaluation) est l'appréciation ou l'évaluation par le sujet de ce qu'il a perçu, de ce qu'il a déduit de ce qui s'est passé et/ou à propos de lui-même ou d'autres acteurs de l'événement. 

B - (Impératif/exigeant) est ce que le client/patient pense qu'il doit se produire ou ne doit pas se produire.

C

C - (Conséquence émotionnelle) – il s’agit de la ou des conséquence(s) émotionnelle(s) de ce qui s'est passé ou aurait pu se passer

C - (Conséquence comportementale) – Il s’agit de la ou des conséquence(s)comportementale(s) de ce qui s'est passé ou aurait pu se passer.


Prenons une seconde situation : imaginons que Martin soit dépressif car il pense que « personne ne l’aime au bureau ».

Après enquête, il s’avère que ses collègues interagissent principalement avec lui pour des questions professionnelles, qu’ils ne bavardent que rarement avec lui, et, bien que ce soit peu fréquent, lorsqu’ils l’invitent à déjeuner, Martin refuse.


Selon la théorie REBT, le cas de Martin peut être analysé comme suit:


A - (Confirmable) - "Peu de gens me demandent de déjeuner ou tentent de socialiser avec moi."

A - (Perçu) - "Les gens ne m'incluent pas dans les interactions sociales."

A - (Inférence) - "Je pense que personne ne m'aime."


B - (Evaluation/Croyances irrationnelles dérivées) : « C’est terrible et affreux que personne ne m’apprécie ! Je ne peux pas supporter que personne ne m’apprécie. Je suis nul parce que personne ne m’aime. »

B - (Exigeant/Impératif : constituent le noyau de B) : « Les gens DOIVENT m’aimer ! »


C - (Conséquence émotionnelle) : Dépression.

C - (Conséquence comportementale) : Evitement social.


Une distinction cruciale à saisir est que la perception de la personne de l’élément activateur ne cause pas en soi les réactions émotionnelles bouleversantes.


Effectivement, Martin pourrait conclure que personne ne l’apprécie mais sans être troublé par cette perception. Comment ?


Il pourrait choisir de ne pas évaluer A comme étant quelque chose de « terrible ». S’il croit, en B, qu’être rejeté est simplement regrettable, ou même que ne pas faire partie de ce groupe social présente certains avantages, il pourrait, en C, ressentir la situation différemment. Bien que A (Perception) ou A (Inférences) ne cause pas C, la personne qui perçoit erronément  et maintient des exigences irrationnelles et des croyances dérivées est plus susceptible d’être bouleversée que la personne qui est simplement irrationnelle en B. C'est-à-dire que, si le sujet pense que pratiquement personne ne l’apprécie et qu’il exige irrationnellement que les gens devraient l’apprécier, évaluant de plus sa situation comme terrible ou intolérable, il sera perturbé plus souvent que s’il maintenait cette perception et inférences concernant A.


La personne qui pense rationnellement en B mais qui continue à distordre la réalité en A peut encore expérimenter des affects négatifs sains et agir de manière adaptée.

Si Martin croit que c’est juste une préférence d’être apprécié et qu’il n’a pas besoin d’être apprécié, que ce n’est pas affreux mais très regrettable que les gens du bureau ne l’apprécient pas, il expérimentera une réponse émotionnelle certes négative, telle que du mécontentement, ou de la déception. Ainsi, les éléments cognitifs de A auront un effet sur C, quoique moins significatif, moins dysfonctionnel.


Daniel RUCHENNE

Psychologue clinicien

Praticien REBT

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